De quoi se faire un sang d’encre ?

Premier inspecteur cantonal pour les établissements de tatouage

Thomas Zenhäusern est chef de la section Inspectorat au Service de la consommation et affaires vétérinaires. En 2018, il a suivi une formation d’inspecteur pour contrôler les entreprises qui proposent des services de tatouage, de piercing, de microblading et de maquillage permanent. Depuis le 1er mai 2017, l’ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels impose un devoir d’annonce pour ces établissements. Dans une interview accordée à vis-à-vis, il nous explique la situation en Valais.

Le laboratoire cantonal de Bâle-Ville a analysé seize encres de tatouage fabriquées en Allemagne et aux Etats-Unis. Les résultats de ces tests étaient alarmants, tant pour les tatoueurs que pour leurs clients : deux tiers des échantillons n’étaient pas conformes à la loi. Qu’en est-il en Valais ?

Le laboratoire cantonal valaisan n’analyse pas lui-même les composants d’encres de tatouage. En 2014, le canton du Valais a participé à une vaste campagne nationale sur le sujet. 229 encres avaient alors été examinées et 56% d’entre elles avaient été critiquées. C’était notamment le cas des deux échantillons envoyés par le canton du Valais. Ceux-ci n’étaient cependant pas vraiment représentatifs : ils provenaient tous deux d’établissements déjà suspects. En 2016, en collaboration avec le laboratoire cantonal de Bâle-Ville, qui est spécialisé dans l’analyse des encres de tatouage, le canton du Valais a lancé une autre campagne. Sur les huit échantillons examinés cette fois, deux étaient conformes, les six autres ne l’étaient pas. Là aussi, des encres « suspectes » avaient été ciblées. Au fond, on peut affirmer que cette problématique ne concerne pas que le canton, mais le marché en général.

De manière générale, quelle est la situation en Valais en matière d’hygiène ?

Il est difficile de se prononcer de manière générale sur ce point. En principe, on peut qualifier le niveau d’hygiène dans les studios professionnels de bon, voire très bon. Certains établissements prennent la question de l’hygiène très au sérieux et procèdent de manière exemplaire. D’un autre côté, certains tatoueurs n’exercent pas avec le sérieux nécessaire et doivent se mettre à niveau. Le pourcentage de non-conformité constatée lors des inspections était de 53% en 2018 et de 52% en 2019. A première vue, ces chiffres semblent élevés. Il faut cependant préciser qu’il ne s’agit pas seulement de problèmes d’hygiène. De plus, ces contrôles ont été effectués pour la première fois en 2018, et de nombreux établissements ne savaient pas à quoi ils devaient faire attention. A l’avenir, le nombre de réclamations va plutôt reculer.

Quelles normes d’hygiène et prescriptions le Service de la consommation et affaires vétérinaires suit-il ?

Nous observons la législation ainsi que l’ordonnance sur les objets destinés à entrer en contact avec le corps humain. Il existe aussi une directive qui fixe les « bonnes pratiques de travail » pour les tatoueurs. Elle n’a certes pas de valeur normative, mais elle aide beaucoup à comprendre les recommandations en particulier. Les inspections officielles ont lieu au moins tous les quatre ans.

 

Que fait le canton lorsqu’un studio de tatouage ne remplit pas les normes prévues ?

Nous le reprochons à l’entreprise et prenons des mesures. Nous lui donnons un délai pour mettre en œuvre les bases légales que nous lui indiquons. Pour certains établissements, nous effectuons des contrôles ultérieurs, qui ne sont pas forcément annoncés. Normalement, les studios de tatouage sont prévenus des inspections ordinaires, afin de respecter l’intimité d’un client éventuellement présent. En dernier recours, on peut ordonner une interdiction de tatouer. Depuis octobre 2018, nous avons dû prendre une telle mesure pour deux tatoueurs, qui exerçaient tous deux leur activité chez eux. L’interdiction s’applique jusqu’à ce que le tatoueur puisse prouver qu’il maîtrise son métier.

Assiste-t-on à une prolifération anarchique des studios de tatouage en Valais ou y a-t-il une obligation de s’annoncer ?

Depuis mai 2017, c’est-à-dire depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit alimentaire (LARGO), il faut s’annoncer. Ce devoir est réglementé par l’ordonnance sur les denrées alimentaires. Pour de nombreux tatoueurs, c’était nouveau. En juillet 2018, nous avons informé les exploitants – du moins ceux dont nous avions connaissance – par courrier. Les échos ont été tout à fait positifs et nous avons reçu de nombreuses réponses. Entre-temps, nous avons découvert plusieurs tatoueurs qui ne s’étaient pas annoncés chez nous. Ces derniers temps, nous avons donc pu endiguer cette prolifération. De plus, l’Association des tatoueurs et pierceurs valaisans a été fondée en 2018, ce qui contribue certainement à améliorer la communication entre les tatoueurs et les autorités cantonales compétentes.

De quels critères les clients devraient-ils tenir compte pour trouver un studio de tatouage qui soit bon et sûr ?

Première chose, le client doit lui aussi assumer sa responsabilité individuelle, il faut du bon sens. Dans ce contexte, c’est aussi à lui de se poser des questions critiques ou de les poser au tatoueur. Par exemple, depuis quand le studio existe-t-il ? Est-ce un établissement professionnel ou seulement semi-professionnel ? Depuis quand le tatoueur exerce-t-il cette activité ? Est-ce propre sur place ? Y a-t-il du désordre ? A quel point la discussion préparatoire est-elle sérieuse ? Faut-il répondre à un questionnaire sur les allergies, les médicaments et les problèmes de santé ? Ces questions permettent au client d’estimer lui-même globalement les conditions d’hygiène dans un studio.

Même si tout semble correct de l’extérieur, comment un client peut-il être sûr qu’il peut faire confiance au studio, par exemple en ce qui concerne la conformité à la loi des encres utilisées? Existe-t-il un label de qualité ?

A mon avis, il y a toujours un certain risque résiduel : qui peut dire ce que des encres conformes légalement selon les connaissances actuelles provoqueront dans dix à vingt ans ? Le consommateur doit en être conscient. En Suisse, il y a un label pour les studios de tatouage, le label Hygiène Qualité (label HQ). Il est toutefois privé et a été fondé par les associations professionnelles. Ce n’est pas un label de qualité cantonal ou fédéral. De plus, je ne pense pas qu’un label garantisse que tout est toujours en ordre. Je connais des établissements qui n’ont pas ce label de qualité privé, mais qui présentent un niveau d’hygiène très élevé. Pour ce qui est des encres, l’idéal est de demander des certificats et des déclarations de conformité sur place.

 

 

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