En visite sur la Weritzalp

En visite sur la Weritzalp
avec Michael Rieder

Autrefois indispensable à la survie, la Weritzalp, à 2099 mètres, est aujourd'hui une halte appréciée sur le sentier d'altitude du Lötschental et un mayen tranquille, un peu isolé, à côté de la plus touristique Lauchnernalp. Et comme dans tous les alpages, la vie y est plus sereine, rythmée par la communauté et en harmonie avec l'environnement. Un lieu où la vue, l'air et les rencontres prennent une signification toute particulière...

 

Sa bouffée d’oxygène

Michael Rieder, expert en circulation auprès du Service de la circulation routière et de la navigation et commandant des pompiers du Lötschental, nous attend à Wiler. Sa famille possède sur la Weritzalp, presque directement en face de l'imposant Bietschhorn (3934m), l'un des quelque vingt chalets d'alpage qui ont été rénovés avec beaucoup de soin et de goût.

Notre hôte le précise d’emblée : malheureusement, il n'a pas le temps d'y monter aussi souvent qu'il le souhaiterait. Entre son travail, les pompiers, sa famille, ses loisirs et ses autres engagements, il ne lui reste plus beaucoup de temps pour « souffler » à plus de 2000 mètres d’altitude. Les séjours prolongés bien au-dessus de la Lonza sont donc plutôt rares. Mais il lui arrive tout de même de monter spontanément. Cela peut aussi être en fin de journée, après une journée de travail fatigante ou une intervention avec les pompiers. Il monte, prend quelques respirations et admire la vue qui va de la Lötschenlücke jusqu'à la vallée du Rhône en passant par le Bietschhorn. Dans ces moments, il s’autorise quelques réflexions sur la vie, l'alpage, l'histoire, les ancêtres et leur vie ici, puis il redescend dans la vallée, regonflé à bloc pour les défis de ce bas monde.

Accès escarpé

Il nous conduit avec assurance sur la route privée, étroite et raide, qui monte à la Weritzalp. Peu avant l'arrivée, quelques randonneurs bâlois sont inquiets, car ils ne savent pas quel est le bon chemin pour aller à la Falferalp. Michael Rieder leur explique patiemment le chemin et ose même un pronostic sur le temps qu'il leur reste à parcourir : encore deux heures de randonnée agréable, apéro compris. Nos amis Bâlois ne comprennent pas tout de suite, mais ils rient et remercient Michael Rieder pour ses indications, tout en s’émerveillant devant la beauté de la nature environnante.

Nous bavardons donc encore un peu avec des marcheurs suisse allemands (d’ailleurs nombreux ce jour-là). Nous rions surtout ensemble de la question - pas très sérieuse - d'une des randonneuses, qui demande s'il y a encore des hommes dans le Lötschental qui s'intéresseraient à une dame de son âge…

Du yoga alpin

Peu après que le groupe de randonneurs se soit remis en route, Michael Rieder s'extasie à nouveau : la petite brise fraîche venant du sud-est, l'air des cimes, la vue… Conscient qu’ici, à 2099 mètres d'altitude, les soucis ne disparaissent certes pas... mais ils sont au moins restés un peu plus bas dans la vallée.

Ici, il n'y a pas de stress. Du yoga alpin sans aucune contorsion du corps. Il suffit de contempler, de reprendre son souffle et de profiter du temps passé ensemble, que ce soit entre amis, en famille ou avec quelques randonneurs de passage... Peu importe, ici, chacun reste simplement soi-même.

La chapelle Saint Antoine

La prochaine étape consiste à prendre la direction de la chapelle Saint Antoine, située au milieu de la Weritzalp. C'est sans doute le plus petit lieu de culte du Valais. Nous n'avons pas procédé à une vérification scientifique, mais dès que l'on se trouve à l'intérieur de la chapelle, on en est à peu près sûr. Les portes sont plus grandes que le seul banc à l’intérieur.

A l'origine, un calvaire en l'honneur de Saint Antoine de Padoue se dressait ici. En 1976, une simple chapelle en bois a été construite tout autour. Ce n'est que trois ans plus tard que le clocher de la chapelle a été ajouté, dans lequel sonne encore aujourd'hui la petite cloche de l'ancienne chapelle baroque de Wiler. Saint Antoine est le saint patron des pauvres, des époux, des amoureux et des voyageurs. Notre guide dit qu'on l'invoque surtout lorsqu'on a perdu quelque chose, que ce soit un objet ou peut-être la tranquillité...

Ici, les messes se font rares et si c'est le cas, il faut qu'il fasse beau, car il faut alors ouvrir les portes. Souvent, après la cérémonie, quelqu'un offre l’apéritif. Ici, la vie communautaire est encore très ancrée dans la tradition. Chacun invite à tour de rôle, chacun a quelque chose dont l'autre peut avoir besoin à ce moment-là et chacun aide quand il le peut.

 

 

 

Le collectif avant tout

C'est pourquoi Michael Rieder reste silencieux lorsqu'on lui demande s'il y a ici, sur l'alpage, une sorte de personnage culte, un « héros ou héroïne des Alpes » ou quelqu'un qui a particulièrement marqué l'histoire. Rien ne lui vient à l’esprit. Il se souvient toutefois qu'il a participé aux fouilles pour le captage d'eau potable avec les messieurs plus âgés de Wiler lorsqu'il était enfant. Tous y étaient engagés ensemble. Ici, le collectif a toujours pris le pas sur l’individu.

 

Löifu und lüägu

La réponse est presque aussi philosophique lorsqu'on demande quel est l'endroit à visiter sur la Weritzalp. « Löifu und lüägu», « marcher et regarder » répond Michael Rieder en dialecte avec un sourire malicieux. C'est la manière la plus simple de profiter pleinement de la Weritzalp.

Ici, les possibilités de randonnées sont en effet innombrables. Il suffit d'ouvrir les yeux. En tant qu’observateur, on remarque immédiatement que les locaux partagent volontiers les trésors et les beautés de la région, mais qu'il faut d'abord les mériter. Avec une certaine dose de curiosité, de bonnes chaussures et la volonté d'entrer en contact avec les gens du coin.

 

 

Un phare de près de 4000 mètres d’altitude

Le temps passe vite dans ce paysage spectaculaire. Pourtant, nous ne pouvons pas partir sans dire quelques mots sur le Bietschhorn. Michael Rieder n'est encore jamais allé là-haut. Qu’importe, il est tout aussi beau depuis la Weritzalp. Avec ses près de 4000 mètres d’altitude en rive droite du Rhône, il a toujours été son point de repère à l'époque où il travaillait encore dans la capitale cantonale. D'ailleurs, depuis Sion, on voit l'imposante montagne du Lötschental. Ainsi, Michael Rieder savait toujours où rentrer….

Enfin, sur le chemin du retour, le Haut-Valaisan nous laisse encore avec une citation certes universelle, mais qui prend un sens très prononcé à cette altitude : « Chaque endroit que tu aimes est le monde pour toi. » Oscar Wilde sur la Weritzalp…

 

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