Médicament - modification date de péremption
Le Tribunal cantonal rend son jugement
Le 1er juin 2016, le juge des districts de Martigny et de Saint-Maurice a statué dans la cause pendante entre le Ministère public et Swissmedic, d’une part, et les prévenus dame X. et Y., d’autre part. Il a reconnu dame X., responsable de la chaîne logistique de la société A. SA, coupable de violation de la loi sur les produits thérapeutiques et de la loi sur les entraves techniques au commerce pour avoir reporté la date de péremption de différents lots d’un médicament anticancéreux, le Thiotepa®, au-delà de la date de conservation, ainsi que pour avoir modifié et reproduit les certificats originaux y relatifs. Il l’a condamnée à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, avec sursis durant un délai d’épreuve de trois ans, et à 6500 fr. d’amende, peines complémentaires à celles prononcées par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, dans une autre cause, pour violation de la LCR. Le juge de district a, en outre, condamné Y., directeur de la société A. SA, à 5000 fr. d’amende, pour avoir omis, par négligence, de mettre en œuvre les mesures tendant à prévenir la mise sur le marché de médicaments non conformes. Le magistrat a considéré que la santé d’êtres humains n’avait pas été mise en danger.
Swissmedic a recouru contre ce prononcé.
Statuant le 15 octobre 2018, le Tribunal cantonal a confirmé la qualification juridique des faits du juge intimé. Il a fait sienne l’opinion, particulièrement motivée, de B. et C., professeurs auprès de l’unité de formation et de recherche des sciences pharmaceutiques et biologiques de l’université Paris Descartes, respectivement de l’université de Rouen, commis en qualité d’experts dans une cause parallèle, instruite par le Tribunal de Grande Instance de Paris, portant sur les lots litigieux de Thiotepa®, fabriqués par A. SA et distribués en France. Les professeurs B. et C. ont considéré que l’administration de Thiotepa®, au-delà de sa date de péremption, ne présentait pas de danger spécifique. La perte du principe actif - quelques % - n’a pas constitué, selon eux, une différence suffisante pour modifier significativement les effets thérapeutiques escomptés du médicament ou pour provoquer une perte de chance de guérison. Le Tribunal cantonal a souligné que l’appréciation des experts judiciaires B. et C. était corroborée par les différents cliniciens auditionnés dans les causes instruites en France et en Suisse. Le Dr D., qui a traité l’enfant E., âgé de 12 ans au moment des faits, a confirmé la rémission complète de celui-ci «sans dire si la dose administrée (en raison du sous-dosage) était adaptée ou moins adaptée que la dose théorique attendue». Le Tribunal cantonal a encore observé que Swissmedic, après avoir pris connaissance des faits, n’a pas ordonné la saisie et la destruction des lots de Thiotepa®. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n’a, pour sa part, pas retiré le Thiotepa® du marché français avant l’arrivée d’une solution alternative, «en l’absence de risque avéré pour les malades». Les professionnels de la santé, qui ont remis le médicament litigieux à leurs patients, n’ont, par ailleurs, annoncé aucun effet indésirable (pharmacovigilance) aux autorités compétentes.
Telle qu’énoncée dans la loi sur les produits thérapeutiques, la mise en danger d’au moins une personne doit être prouvée concrètement. A défaut, l’infraction constitue une contravention, sanctionnée, en vertu de la loi, par une amende. En l’occurrence, pareille preuve, pour les motifs exposés au paragraphe précédent, n’a pas été rapportée.
Bien qu’il ait confirmé la qualification juridique des faits, le Tribunal cantonal a aggravé la peine prononcée contre dame X., qu’il a portée à 120 jours-amende. Il a, en revanche, confirmé la peine prononcée contre Y.
Sion, 17 octobre 2018
Le Tribunal cantonal
Le Tribunal cantonal ne donnera aucune autre information et ne fera aucun autre commentaire.